Analyse
Arrêté du 19 juin 2025 fixant les règles sanitaires et de protection animale auxquelles doivent satisfaire les activités liées aux animaux de compagnie d’espèces domestiques : Le point de vue des NAC
Le 19 juin 2025 a vu la parution de cet arrêté, remplaçant graduellement l’arrêté du 3 avril 2014 fixant les règles sanitaires et de protection animale auxquelles doivent satisfaire les activités liées aux animaux de compagnie d'espèces domestiques relevant du IV de l'article L.214-6 du code rural et de la pêche maritime. Ce nouvel arrêté a provoqué beaucoup de réactions concernant quelques avancées notables telles que l’arrêt de l’utilisation de moyens coercitifs sur les chiens par les professionnels (colliers électriques, colliers étrangleurs…), l’encadrement des familles d’accueil dans les associations sans refuge, et une meilleure supervision des élevages de chiens et de chats. Mais comme bien souvent, l’analyse de ce nouveau texte ne prend en compte que les changements concernant chiens et chats, alors même qu’il encadre tous les animaux de compagnie d’espèces domestiques. Alors qu’en est-il pour ces derniers : furets, lapins et rongeurs, poissons et oiseaux ?
Par Brigitte Leblanc, Docteur vétérinaire et membre du CA de l'APRAD

L’élevage des NAC domestiques : un oubli récurrent
L’arrêté de 2014 ne prenait pas en compte les élevages de NAC domestiques dans la rubrique « publics concernés », puisque dédié aux « professionnels exerçant les activités en lien avec les animaux de compagnie d’espèces domestiques relevant des articles L214-6-1, L214-6-2 et L214-6-3 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) », soit les élevages de chats et de chiens, refuges, pensions, activités de garde et de dressage de chiens et de chats, activités de vente et de présentation au public d’animaux de compagnie. Le seul ajout fait à cette rubrique dans le nouvel arrêté est l’article L214-6-5 du CRPM qui y inclut à présent les associations de protection animale sans refuge et les familles d’accueil. Encore une fois, donc, ce texte ne concerne pas les élevages des NAC domestiques, cela étant confirmé dans la rubrique « objet » dudit arrêté qui ne parle de l’élevage que pour les chiens et les chats, les autres animaux de compagnie sont de nouveau uniquement considérés dans la partie « exercice à titre commercial des activités de vente et de présentation au public des animaux de compagnie d'espèces domestiques ».
Ceci est d’autant plus préjudiciable que l’article 2 de ce nouvel arrêté cite dans son alinéa I : « Conformément à l'article 84 du règlement (UE) n° 2016/429 susvisé, tous les opérateurs exerçant des activités liées aux chiens, chats et furets, y compris les éleveurs visés au II et au III de l'article L. 214-6-2 susvisé, sont tenus de se déclarer sur le registre mentionné à l'article 34 de l'arrêté du 9 novembre 2023 susvisé ». Or, l’article 84 de la loi dite LSA (loi santé animale) indique : « Obligation incombant aux opérateurs d'enregistrer les établissements :1. Pour que leurs établissements soient enregistrés conformément à l'article 93, les opérateurs dont les établissements détiennent des animaux terrestres ou procèdent à la collecte, à la production, à la transformation ou au stockage de produits germinaux, avant d'entamer de telles activités : a) signalent à l'autorité compétente tout établissement de ce type dont ils ont la responsabilité… ». Un éleveur de NAC domestiques est un « opérateur » et doit donc se signaler à « l’autorité compétente », ici la préfecture et la DDPP. Dans les faits, cet arrêté est donc incomplet et ne satisfait pas à la loi LSA qui, rappelons-le, est un règlement européen, donc effectif en droit national sans transposition préalable.
Un peu plus loin dans l’article 2 de l’arrêté est indiqué : « Pour les professionnels exerçant des activités en lien avec des animaux de compagnie d’autres espèces que chiens, chats et furets, la déclaration mentionnée au 1° du I de l’article L.214-6-1 susvisé est établie conformément au modèle Cerfa n° 15045. » Or ce Cerfa ne permet, concernant les NAC, qu’une déclaration d’établissement de vente ou de présentation au public, il est donc effectivement impossible de l’utiliser pour déclarer un élevage. De ce fait, non seulement cet arrêté n’oblige pas à la déclaration de ces élevages aux services compétents, mais en effet il n’y aucun moyen réel de le faire. Rappelons donc qu’à ce jour, il suffit pour ouvrir un élevage de NAC domestiques de s’enregistrer à la Chambre du commerce et de l’industrie, et qu’aucune connaissance préalable de ces animaux n’est requise, qu’aucun contrôle sanitaire ou autre n’est réalisable par les services compétents, faute d’enregistrement. Une pensée encore pour M. le sénateur Arnaud Bazin qui a été le seul à ce jour à se préoccuper de cette grave lacune de la loi.
Un petit aparté pour le furet : il est le seul NAC domestique à voir son élevage déclaré, car, étant un animal pour lequel l’identification individuelle est obligatoire, et étant un carnivore, l’enregistrement des élevages est prévu sur le même registre que pour chiens et chats (Icad). Cette situation est liée à la possibilité de maladie rabique et donc à l’obligation d’une traçabilité fiable.
Les dispositions générales de cet arrêté : quels changements ?
La structure du nouvel arrêté, complètement différente de celle de l’arrêté antérieur, rend difficile la comparaison et la mise en évidence des améliorations ou pertes de données. Ainsi, la partie 1 (articles 1 à 11) reprend les articles du précédent arrêté mais y adjoint le contenu de son annexe 1 nommée « dispositions générales », incluant : les installations des établissements, le milieu ambiant, la gestion sanitaire, les soins aux animaux, le personnel et les registres. Quels changements éventuels peut-on trouver concernant les NAC ?
- Notons d’abord la disparition des guides de bonnes pratiques, mis en place en 2014 dans l’article 4. Celui concernant les animaleries n’était paru qu’en 2021. On est en droit de se demander le pourquoi de cette disparition, ces guides rédigés par les parties prenantes, validés par l’ANSES et le ministère de l’Agriculture, ne se seraient-ils pas montrés si pertinents ?
- L’article 5 du nouvel arrêté rappelle l’obligation de visite des locaux deux fois par an par le vétérinaire sanitaire désigné. Il n’y a plus de dérogation comme précédemment, où le nombre de visites était réduit à une seule fois par an en l’absence de chiens et chats : un bon point !
- L’article 6, parlant des soins quotidiens aux animaux, ajoute qu’ils doivent être « manipulés sans brutalité », il met également l’accent sur le besoin en enrichissements du milieu afin que les animaux puissent « exprimer leurs comportements naturels tels que l’occupation et le jeu ». On y développe aussi un peu plus que précédemment la familiarisation à l’homme ainsi qu’à d’autres espèces (après avis du vétérinaire sanitaire). Enfin, « les animaux peuvent se mouvoir librement, sans entrave et sans gêne. Ils peuvent se dépenser et jouer en tant que de besoin, quotidiennement. Ils ont des activités locomotrices adaptées à leur espèce ». Un article déjà existant mais où on prône certaines améliorations…
- L’article 8 concerne le registre « entrées/sorties » des animaux. Pour le furet, seul NAC domestique carnivore identifié, le registre sera dorénavant tenu par le fichier d’identification Icad, chaque mouvement doit y être notifié sous 72 h, et les coordonnées de destination de l’animal doivent y apparaître (pour assurer la traçabilité, notamment en cas de zoonose). Pour tous les autres, le registre est sous forme libre, il peut s’agir de registres mais aussi de factures ou de tickets de caisse, comme dans le précédent texte. Mais deux nouveautés marquantes, si elles sont respectées : le registre ou ce qui le remplace doit spécifier l’animal concerné (en l’absence d’identification individuelle, il ne pourra néanmoins s’agir que d’une description), et la destination de l’animal doit y être consultable, « dont notamment nom, qualité et adresse du destinataire de l'animal ». Jusqu’à présent, le seul document pouvant donner les coordonnées d’un acheteur de NAC domestique dans une animalerie était le certificat d’engagement et de connaissances, obligatoire uniquement pour le lapin et le furet. A noter que cet article ne prendra effet qu’en janvier 2029 (article 34).
- L’article 9 concerne le registre de suivi sanitaire : hormis pour le furet qui y est identifié nommément, les autres NAC voient les informations sanitaires les concernant toujours synthétisées et rapportées à des « lots ». En revanche, une note supplémentaire concerne les cas de surmortalité : les raisons identifiées doivent être notifiées sur ce registre ainsi que les actions correctives et préventives mises en place avec le vétérinaire sanitaire.
- L’article 10 enfin fait le lien, pour le furet uniquement, entre ce registre sanitaire et le fichier national d’identification qui doit recevoir également les informations sanitaires concernant l’animal : actes chirurgicaux tels que la stérilisation, actes médicaux, statut vaccinal, statut sanitaire par rapport à certaines maladies listées.
Dispositions spécifiques par espèce et par activité
Les parties 2 et 3 de ce nouvel arrêté reprennent quant à elles le contenu de l’annexe 2 de l’arrêté de 2014.
- Concernant les espèces NAC, on mettra en évidence une diminution notable des dispositions spécifiques aux furets, lapins et rongeurs (articles 16 à 19). Les dispositions générales ont pris en compte les notions de base, et n’apparaissent donc plus ici que quelques points complémentaires : plateformes pour furet et lapin. A noter qu’aucune surface ou volume de nouveau ne sont notifiés : certes les normes ne sont en général suivies qu’a minima par les structures concernées, mais en leur absence, il est encore facile de faire croire qu’une surface de feuille A4 avec 1 cm de litière suffit à un hamster nain…Par ailleurs, aucun changement n’est constaté pour les oiseaux et les poissons dont les conditions de détention sont pourtant pour le moins inadéquates.
- Concernant les activités de vente (et de transit) (article 25), s’ajoute à l’interdiction de vente des animaux sevrés prématurément la vente de ceux dont le sevrage n'est pas terminé. L’article ajoute également à l’alinéa V : « Les animaux sont proposés à la vente dans des lieux aménagés de façon à ce qu'ils ne soient pas en contact direct avec le public », condition qui n’est quasiment jamais respectée dans les espaces de vente pour certains des animaux vendus (lapins, cobayes). Enfin, en alinéa IX apparaît une heureuse résolution : « Tous les moyens sont mis en œuvre pour éviter les contacts directs ou indirects entre les animaux d'espèces prédatrices et les animaux d'espèces prédatées afin de minimiser leur stress et leur frustration. »
A noter en alinéa IV, à propos de l’éclairage : déjà présent dans l’arrêté de 2014, « à l'exception des locaux et installations hébergeant des chiens ou des chats, l'éclairage des locaux et installations d'hébergement des animaux peut être totalement artificiel. » On ne peut que se poser des questions quant aux bases scientifiques de bien-être animal sur lesquelles cet alinéa est fondé…
- Concernant l’activité de présentation au public (article 30), qui peut également toucher les NAC domestiques (fermes pédagogiques par exemple, qui montrent souvent des lapins nains et des cobayes ), notons l’effort de définition de cette activité qui y est fait : « L’activité de présentation au public s’entend comme l’activité consistant à présenter des animaux au sein de structures permanentes fixes ou mobiles ouvertes au public dans le cadre d’un spectacle, d’une exposition, d’un concours ou de toute autre prestation au cours de laquelle les animaux sont utilisés ou mis en contact avec du public. » Notons aussi que « A l'exception des cas autorisés par la législation en vigueur, les animaux ayant subi des mutilations de manière à entrainer une modification de leurs caractéristiques physiques ou ceux présentant des traits de conformation excessifs incompatibles avec leur santé ou leur bien-être ne sont pas présentés au public » et l’importance plus grande donnée au devenir des animaux déclarés inaptes ou réformés.
S’il faut faire une synthèse de cette analyse comparée, il convient d’admettre que, d’une part, le législateur a encore une fois omis d’inclure les élevages de NAC domestiques dans ses considérations, et que, d’autre part, seules quelques améliorations ont été apportées concernant ces animaux dans les activités de vente notamment. Retenons quelques avancées dans la mise en place des enrichissements et de la familiarisation des animaux, la tenue d’un registre (ou assimilé) où il y aura cette fois obligation de noter les coordonnées du nouvel acquéreur (bien qu’en l’absence d’identification, la traçabilité reste fragile), l’obligation bisannuelle d’une visite sanitaire dans les établissements de vente, et un point précis sur la surmortalité qu’il convient d’investiguer. C’est bien trop peu pour le nombre et la vulnérabilité des animaux concernés !