Analyse
Des droits de visite pour les chiens de compagnie en Argentine
C’est une décision inédite qui a été rendue le 26 septembre 2022 par une juridiction des affaires familiales à San Isidro, une commune située au nord de Buenos Aires (Argentine) : à l’issue de leur divorce, des époux ont souhaité qu’il soit statué sur les modalités de garde de leurs deux chiens, Popeye et Kiara.
Laurence MAYER, Simon ISSLER, Avocats à la Cour
Le magistrat a homologué l’accord consistant à fixer la résidence de Popeye chez l’épouse et celle de Kiara chez l’époux.
Le jugement prévoit également des droits de visite réciproques, ainsi que des rencontres régulières à quatre, sur une plage.
Selon les termes de l’accord, ces modalités doivent être respectées de manière « ample et réciproque pour être avec Popeye et Kiara, les jours et les heures seront gérés avec souplesse par les deux conjoints, en fonction des obligations ou des engagements de chacun ».
C’est un jugement tout à fait innovant en Argentine, où aucune disposition légale n’existe sur le sort des animaux domestiques en cas de divorce ou de séparation.
Pour l’heure, le Code civil et commercial argentin se réfère toujours aux animaux (domestiques ou non) comme « des choses meubles » (article 227).
Il est cependant à noter que deux décisions argentines avaient déjà reconnu aux animaux la qualité de « sujets de droit non humains » (en 2014 s’agissant de l’orang-outan Sandra et en 2016 pour le chimpanzé Cecilia, dont il était réclamé la libération d’un zoo).
Dans notre espèce, le juge du divorce est allé plus loin encore, en énonçant : « Il est bien connu que les animaux, surtout les animaux domestiques, sont des êtres sensibles qui ressentent, qui manquent, qui se réjouissent, qui souffrent et qui acquièrent des habitudes. Il ne fait donc aucun doute que le changement que produira la séparation des conjoints les affectera également et que ce seront leurs propriétaires qui seront alors mieux à même de veiller à leurs intérêts ».
Et le magistrat de poursuivre : « bien que notre système juridique n'ait pas encore progressé de manière à prévoir et/ou à réglementer la situation dans laquelle, après la rupture de l'union, les membres qui font également partie de la famille et qui l'ont rejointe – en l’espèce, deux chiens, Popeye et Kiara - seront laissés, il s'agit d'une réalité qui ne peut être niée ».
Ce faisant, le juge a bien volontiers, dans sa décision, statué dans l’intérêt des animaux, en tant que membres à part entière de la famille.
Cette nouvelle décision est destinée à faire jurisprudence et, peut-être, à stimuler une avancée législative, sur le sort des animaux domestiques à l’issue d’une séparation ou d’un divorce – à l’instar de l’Espagne en 2021 – et, plus généralement, sur la condition juridique de l’animal en Argentine.