Analyse
L’homme ne ternit-il pas sa dignité en abandonnant les animaux qui vivent sous sa dépendance ?
L’abandon se définit comme le fait de se débarrasser de la propriété d’un animal (l’attacher en forêt) ou de le laisser sans soins, sans possibilité de s’alimenter ni de s’abreuver. Depuis la loi du 30/11/2021 sur la maltraitance animale, cet acte est considéré comme un délit dans le Code pénal, passible de 3 ans de prison et 45000 euros d’amende, éventuellement renforcé par des peines complémentaires telle l’interdiction de reprendre un autre animal.
Par Dr Claire Borrou vétérinaire, Master en éthique animale, DU de droit animalier et membre de l’APRAD
Chaque année avant les congés estivaux, de nombreux animaux sont abandonnés : entre 60 et 100 000 chiens, chats... La France est la championne européenne. Cela concerne également la divagation du bétail ou des chevaux dont l’agriculteur ne peut assumer l’entretien.
Les causes d’abandon sont variées : les aléas de la vie (maladie, décès du propriétaire, déménagement, mutation professionnelle), les achats compulsifs, le changement de mode quant aux races, la désinvolture irresponsable du détenteur de l’animal. Rien qu’au premier semestre 2023, les abandons ont augmenté de 15% par rapport à 2022. En cause, les difficultés financières liées à l’inflation actuelle sur le prix du petfood et des litières.
Des études montrent que les américains du Nord ne gardent leurs animaux en moyenne que deux ans puis finissent par s’en débarrasser par abandon ou euthanasie de convenance. L’animal comme n’importe quel autre bien de consommation est considéré comme « jetable », fongible. Comme l’écrit S.Tesson « l’homme est un enfant capricieux qui croit que la terre est sa chambre, les bêtes ses jouets et les arbres ses hochets ».
Pour rappel, un animal de compagnie abandonné ne peut s’alimenter seul car devenu trop dépendant de l’homme. S’il n’est pas écrasé ou empoisonné il sera apporté et recueilli par la fourrière municipale durant 8 jours ouvrables puis, si le propriétaire ne s’est pas manifesté, il sera remis à un refuge ou une association dans le but de le replacer mais parfois, même bien-portant, il est euthanasié pour des raisons de surpopulation. Afin de mieux retrouver les propriétaires des animaux errants, leur identification est obligatoire depuis janvier 1999 mais dans la pratique, seul un chat sur deux est immatriculé, car aucun contrôle efficace n’est mis en place. Pourtant l’amende en cas de non-conformité s’élève à 750 euros.
Durant l’épidémie de Covid de 2021, de nombreux animaux de compagnie ont été achetés car ils étaient un moyen légal de sortir dehors (pour la promenade) et un moyen de combler la solitude pesante liée au confinement. Mais, dès la fin des restrictions (en 2022), les animaux furent abandonnés en masse.
L’Etat est conscient de ce problème récurrent, il essaie de sensibiliser la population en créant depuis octobre 2022 un certificat d’engagement et de connaissances des besoins spécifiques de l’espèce, à signer par le futur détenteur 8 jours avant l’achat ou l’obtention gratuite de tout animal. Il agit en éduquant les enfants dès l’école élémentaire au respect de l’animal et en interdisant les ventes par internet ou en animalerie pour éviter les achats compulsifs. Il accroît les contrôles d’identification par la police municipale et majore les peines en cas d’abandon. Il accompagne par des aides financières les refuges et les fourrières qui reçoivent les animaux abandonnés, les associations qui organisent des campagnes de stérilisations des chats libres et facilite l’accès aux soins vétérinaires des personnes nécessiteuses en mettant en place le circuit « vétérinaires pour tous ».
Comment responsabiliser l’homme ? Quand reconnaitra-t-on que l’animal n’est pas une peluche mais bien un être vivant qui mérite notre attention ? Car comme le disait Gandhi : « on reconnait le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux ».