Analyse
Identification des animaux de compagnie, que dit la loi ?
Identifier les animaux de compagnie assure leur « traçabilité » face au trafic d’animaux (exotiques ou non) et aux problèmes sanitaires liés à d’éventuelles zoonoses. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à rendre obligatoire l’identification des chiens et chats (par tatouage à l’époque) face aux risques liés à la rage. Tout d’abord conçue donc comme une protection anthropocentrée, l’identification est utile également à l’animal puisqu’elle permet de retrouver le propriétaire d’un animal qui s’est perdu, et permet dans certains cas d’agir en justice contre son abandon. Mais il s’avère difficile, dans l’état actuel des textes, de savoir qui doit être identifié, et comment. Alors… que dit la loi ?
Par Brigitte Leblanc, docteur vétérinaire et membre du CA de l'APRAD
Les animaux de compagnie : qui sont-ils ?
Même si l’animal de compagnie est toujours notre compagnon et vit donc à nos côtés, son identification n’est pas toujours obligatoire. Tout dépendra de la « catégorie » à laquelle il appartient.
Les animaux de compagnie sont définis par la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, ainsi que par le Code rural et de la pêche maritime par ces mots : « tout animal détenu ou destiné à être détenu par l'homme pour son agrément » (1) .
A part l’immense bienfait de leur présence à nos côtés, ils n’apportent donc aux hommes ni denrées ni travail. La législation les catégorise en domestiques (appartenant à une espèce ayant subi des modifications, par sélection, de la part de l'homme) ou non domestiques : sont domestiques les animaux listés dans l’annexe de l’Arrêté du 11 août 2006 fixant la liste des espèces, races ou variétés d'animaux domestiques.
Si un animal n’y apparaît pas, il est non domestique (qualifié aussi de sauvage ou exotique, ce qui n’est pas très logique pour certains comme l’octodon ou les hamsters nains, par exemple).
Par contre, pour le moment, il n’existe pas encore de liste positive des animaux non domestiques dont la détention en animal de compagnie est possible, même si cette liste est prévue par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes : le décret d’application, trois ans après, n’a toujours pas été publié, et la liste de ce fait non plus...
Il faut également parler des animaux qui ne sont pas, d’un point de vue légal, des animaux « de compagnie » puisque considérés comme animaux de production (viande, œufs, travail…) tels que les chevaux et les poules par exemple. En effet, la société les considère ou commence à les considérer différemment et leur statut sera de ce fait amené à évoluer sans aucun doute sous la pression sociétale, ces animaux entrant de plus en plus dans la sphère familiale.
Pour quel animal l’identification est-elle obligatoire ?
Concernant les animaux de compagnie domestiques, seuls chiens, chats et furets doivent être obligatoirement identifiés : avant l’âge de 4 mois pour les chiens, 7 mois pour les chats, et 7 mois également pour les furets nés après le 1 er novembre 2021 (2) . Aucune autre espèce parmi les animaux de compagnie, même les plus présents dans les foyers, n’a l’obligation d’être identifiée : lapin, cobaye et tant d’autres…Donc pour eux, aucune protection en cas de perte, aucune protection face aux abandons, puisque sans « identité », la possession ne peut guère être prouvée.
Pour les animaux de compagnie non domestiques, les choses sont plus compliquées. En effet, c’est un arrêté assez complexe de 2018 qui indique les conditions qui rendent l’identification d’un représentant d’une espèce donnée obligatoire (3) : « les mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens des espèces ou groupes d'espèces inscrits sur les listes établies en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement ou sur les listes des annexes A à D du règlement n° 338/97 du 9 décembre 1996 susvisé, doivent être munis d'un marquage individuel et permanent, effectué, selon les procédés et les modalités techniques définis en annexe 1, sous la responsabilité du propriétaire, dans le délai d'un
mois suivant leur naissance. » Il n’est donc pas facile de s’y retrouver, à moins d’être spécialiste en la matière. Heureusement, le fichier responsable facilite la tâche des identificateurs, comme cela sera explicité un peu plus loin, néanmoins il apparaît déjà que seules les espèces protégées ou susceptibles de présenter un danger physique ou sanitaire pour l’homme sont concernées par l’identification, dont le but s’avère donc encore très anthropocentré.
Enfin, en ce qui concerne les animaux de compagnie « en devenir », les chevaux ont une obligation d’identification (4) ainsi que les bovins, ovins, caprins, ce qui n’est pas le cas pour les lapins et les oiseaux de ferme, tels que poules, oies…qui sont souvent plutôt considérés en « lots ».
Quel fichier pour identifier quel animal ?
Pour les animaux de compagnie dont l’identification a été rendue obligatoire par la loi, deux fichiers existent, gérés par des sociétés sous délégation de l’Etat.
ICAD (5) (identification des carnivores domestiques) est le fichier dédié aux chiens, chats et furets. L’identification se fait par tatouage ou par transpondeur (puce électronique). Le tatouage est formé de chiffres et de lettres, apposé sur la face interne de l’oreille (droite ou gauche) ou à la face interne de la cuisse (droite ou gauche). Le transpondeur pour carnivores domestiques est inséré en sous-cutané au niveau de la gouttière jugulaire gauche. Ses 15 chiffres ont une signification précise : 250 indique le pays France, puis 2 chiffres pour le code espèce, ici 26 pour les carnivores domestiques (chiens, chats et furets), 2 chiffres pour le code constructeur de la puce et enfin 8 chiffres pour l’identification individuelle de l’animal.
Seul le transpondeur est officiellement reconnu en Union Européenne pour un animal né après le 3 juillet 2011, et ce même si son tatouage est lisible. En cas de voyage à l’étranger, il est possible de coupler ces deux identifications lors de la pose du transpondeur.
IFAP (6) (identification de la faune sauvage protégée) prend en compte les animaux sauvages captifs et, en ce qui nous concerne ici, les animaux de compagnie non domestiques dont l’identification est rendue obligatoire par l’arrêté de 2018, les NAC non domestiques protégés ou dangereux pour la plupart. C’est dans ce fichier que vous trouverez une liste déroulante des espèces qui sont à identifier : n’y apparaissent en effet que les espèces de NAC non domestiques dont l’identification est rendue obligatoire par l’arrêté de 2018 précité. Cependant, la liste est sous une forme un peu complexe qui nécessite de connaître la taxonomie (7) des espèces.
Un exemple sera plus parlant : le Grand Hamster d’Alsace, espèce protégée en danger critique d’extinction en France, est-il un animal qui nécessite d’être identifié s’il est détenu ? On recherche donc dans la liste déroulante un Mammifère (classe Mammalia) de l’ordre des Rongeurs (Rodentia), et de la famille des Cricetidae : vous voyez apparaître deux animaux, le campagnol amphibie et notre animal recherché, le Grand Hamster, Cricetus cricetus. Donc effectivement, son identification est obligatoire s’il est détenu.
Selon l’espèce, les procédés d’identification sont spécifiés par l’arrêté de 2018 susmentionné : le tatouage (moins fréquent à présent) pour les mammifères, mais surtout le transpondeur pour faune sauvage qui est utilisable sur quasiment toutes les espèces de mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens. Le numéro de 15 chiffres est formé de la même manière que pour le transpondeur des carnivores domestiques, hormis les 2 chiffres du code espèce qui s’échelonnent de 22 à 19 inclus : ils sont attribués aux animaux d'espèces non domestiques et utilisés successivement après épuisement des possibilités de numérotation du code groupe d’espèces précédent. Les chiroptères et oiseaux peuvent également être identifiés par bague ouverte ou fermée. Cette bague porte des inscriptions, ici pour une bague fermée, dans l’ordre : la lettre F initiale de la France, les deux derniers chiffres du millésime de l'année d'utilisation, le diamètre de la bague en millimètres, le numéro d'ordre de l'oiseau comportant trois ou quatre chiffres, le sigle de l'organisation qui a délivré la bague et enfin le numéro de l'éleveur comportant quatre chiffres, ou une lettre suivie de trois ou quatre chiffres, ou deux lettres suivies de deux chiffres. Enfin, il existe une dérogation dans le cas des reptiles et des amphibiens, lorsque le marquage par transpondeur à radiofréquences ne peut être pratiqué en raison de la très petite taille des spécimens adultes : ils sont alors identifiés par photographies, datées et accompagnées d'une échelle graduée, réalisées au stade juvénile puis au stade adulte.
Que faire si on désire identifier un animal pour lequel ce geste n’est pas obligatoire ?
Cela s’avère possible, par transpondeur faune domestique dont le numéro sera inscrit dans le fichier VETONAC (8) . Contrairement à ICAD et IFAP, ce fichier est géré par le SAPV 9 et n’a pas de délégation de l’Etat, puisqu’il est dédié aux animaux dont l’identification n’est pas légalement obligatoire. Grâce à lui, on peut identifier les autres NAC domestiques, lapins, rats, cobayes et autres, également les NAC non domestiques qui n’apparaissent pas dans la liste de l’IFAP et dont l’identification n’est donc pas obligatoire (on ne peut d’ailleurs les inscrire dans le fichier IFAP), mais aussi les animaux de rente « de compagnie » comme la poule, ou tout animal « de production » qui n’est pas soumis à l’obligation d’identification (donc ni le cheval, ni la vache ou le mouton par exemple). Le code du transpondeur est également constitué de 15 chiffres, mais sans signification particulière en dehors des 3 premiers chiffres sous forme 9XX qui correspondent au fabricant. Comme pour IFAP, la liste déroulante de VETONAC présente tous les animaux susceptibles d’y être inscrits, et elle indique de surcroît s’il s’agit d’un animal d’espèce domestique ou de la faune sauvage.
Prenons deux exemples :
- La poule : regardons les Oiseaux, puis les Galliformes, les Phasianidés, vous trouvez Gallus gallus, la Poule, sous la couleur jaune indiquant qu’il s’agit de faune domestique.
- L’octodon : suivons les Mammifères, les Rodentiens, les Octodontides, et vous trouvez l’Octodon, sous la couleur verte indiquant qu’il s’agit de faune sauvage.
Retenons donc que, même si elle n’est pas obligatoire, l’identification de la plupart de nos animaux de compagnie est possible, et que, même si cette identification individuelle a été de prime abord une action pour protéger l’homme, elle est maintenant aussi et surtout un moyen pour l’animal identifié d’avoir une « individualité », qu’elle peut permettre de retrouver son humain si l’animal s’est perdu, et qu’elle constitue un atout contre l’abandon en permettant de faire appliquer les textes réprimant ce délit (10) .
(1) Article L214-6-1 du Code rural et de la pêche maritime, Convention européenne pour la protection des animaux
de compagnie article 1.
(2) Article L212-10 du Code rural et de la pêche maritime.
(3) Arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d'animaux d'espèces non domestiques.
(4) Système d’information relatif aux équidés (SIRE)
(5) https://www.i-cad.fr/
(6) https://www.i-fap.fr/
(7) La taxonomie est une branche des sciences naturelles qui a pour objet l'étude de la diversité du monde vivant.
Cette activité consiste à décrire et circonscrire en termes d'espèces les organismes vivants et à les organiser en
catégories hiérarchisées.
(8) https://www.vetonac.fr/
(9) https://www.sapv.fr/web/
(10) Article 521-1 du Code pénal.